Un rayon de lumière pour un grand nombre de personnes
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Née et élevée dans une communauté bédouine isolée, rurale et pauvre dans le désert oriental du Royaume de Jordanie, Rafea Um Gomar a dû défier les traditions conservatrices de son village pour poursuivre son rêve de devenir un jour ingénieure en énergie solaire. Le chemin emprunté par Rafea Um Gomar n’a pas été facile. En plus des conditions de pauvreté absolue dans lesquelles elle a vécu, elle a notamment fait l’objet de persécutions par sa propre famille lorsqu’elle a décidé de défier les rôles de genre et de sortir du confinement domestique imposé. Mais elle a fait preuve d’une détermination sans faille. Elle voulait utiliser les technologies modernes pour alimenter son village en électricité, stimuler le rôle des femmes dans l’économie locale, réduire la pauvreté et offrir une vie meilleure à ses quatre filles et à sa communauté.
Rafea Um Gomar, originaire d’un petit village rural, est une femme bédouine courageuse qui est non seulement devenue la première femme ingénieure en énergie solaire de Jordanie, mais qui a également mis en place 80 installations solaires avec l’aide de Sahia Um Badr, elle aussi ingénieure, permettant d’alimenter son village en électricité. Elle est aujourd’hui une élue politique, un modèle à suivre et une enseignante qui forme les personnes de sa communauté et des communautés voisines à l’utilisation des énergies renouvelables.
Um Gomar et Um Badr ont eu la chance d’intégrer Barefoot College (littéralement le « Collège aux pieds nus ») en Inde, qui accueille des femmes issues de milieux ruraux et originaires du monde entier, pour la plupart peu ou pas scolarisées, pour les former au métier d’ingénieur en énergie solaire. Cette institution offre aux femmes les compétences nécessaires pour développer une source de revenus, gagner en influence au sein de leur village et renforcer leur capacité à utiliser les technologies propres pour alimenter les foyers non équipés en électricité. À l’issue de sa formation en Inde, Um Gomar est rentrée chez elle la tête pleine d’idées pour changer les conditions de vie des femmes, et a mis ses connaissances nouvellement acquises et novatrices à contribution de la communauté dans l’optique d’améliorer la situation socioéconomique des femmes qui vivent dans les villages les plus isolés et les plus inaccessibles.
Récemment élue première femme membre du conseil municipal de Manshiat Al-Ghayath, petit village isolé, situé à environ 260 kilomètres de la capitale Amman, Um Gomar est un modèle pour sa communauté et une source d’inspiration pour de nombreuses femmes et filles qui l’ont vu évoluer au fil des défis insurmontables qu’elle a pourtant relevés. En dépit des nombreuses barrières, son succès sert à rappeler à sa communauté que les femmes peuvent réussir, accéder aux sciences, être des leaders communautaires respectés, et contribuer positivement à la société au même titre que les hommes. Avec le soutien d’ONU Femmes et de l’ONG locale « Jordanian Friends of Environment Society » (la Société jordanienne des amis de l’environnement), Um Gomar et Um Badr ont mis en place 80 installations solaires dans leur quartier et forment d’autres femmes pour pouvoir en installer davantage. Le prochain rêve d’Um Gomar est d’ouvrir une coopérative de formation en énergie solaire pour émanciper et former les femmes du monde entier afin de lutter contre la pauvreté et devenir indépendantes en utilisant une source d’énergie propre.
Quels ont été les plus grands obstacles auxquels vous avez dû faire face pour en arriver là ?
Au début, le plus grand obstacle auquel j’ai dû faire face a été la communauté. Je vis dans un village plutôt conservateur, dans lequel la culture ne permet pas aux femmes de sortir de chez elles et le rôle de la femme se résume à rester confinée chez elle à s’occuper de sa maison et de ses enfants. J’ai dû faire face à des obstacles considérables pour briser cette chaîne et faire tomber les barrières sociales, pour devenir indépendante et générer une source régulière de revenus pour moi et mes filles. Mon mari a également été un obstacle de taille. De gros problèmes sont survenus suite à son incompréhension face à mon besoin de devenir indépendante et, bien entendu, mes séjours répétés à Amman, mon voyage en Inde et le fait de côtoyer tous ces étrangers sont autant d’aspects qui sont mal perçus d’un point de vue culturel. Mon mari m’a menacée à plusieurs reprises de m’enlever mes enfants si je ne respectais pas les mœurs culturelles. Surmonter ce problème et rester en contact avec mes enfants n’ont pas été de minces affaires. Ma détermination à offrir à mes filles une vie meilleure ainsi que ma foi en ce projet m’ont aidée à affronter cette épreuve et à réaliser mes objectifs.
Parlez-nous de votre enfance, de vos ambitions et des personnes qui vous ont inspirée ou influencée à être celle que vous êtes aujourd’hui ?
Mon père [a été une source d’inspiration pour moi]. Mon père et ma mère se différenciaient des autres membres de la communauté. Bien qu’ils aient au tout début fait preuve de réticence face à mes projets, mon père m’a toujours soutenue dans mon désir de devenir indépendante. C’est un chef de haut rang d’un groupe tribal de mon village. Donc, lorsqu’il m’a soutenue et m’a dit de ne pas m’inquiéter, je me suis sentie encore plus forte.
Le fait d’être une femme a-t-il constitué un frein dans votre parcours et de quelle manière ?
Je me suis mariée à l’âge de 15 ans pour la toute première fois. Mon mariage a duré un an, puis j’ai divorcé. Après avoir vécu avec mes parents pendant un an et demi, je me suis remariée avec mon deuxième époux et suis devenue sa troisième femme.
Culturellement parlant, les hommes ne sont pas supérieurs aux femmes. Les femmes sont considérées comme un élément important de la communauté dans notre culture mais on attend principalement d’elles qu’elles s’occupent de la maison, qu’elles effectuent les tâches pastorales et qu’elles s’occupent des enfants. En zones rurales, les femmes ne progressent pas autant que les femmes vivant en milieu urbain, où elles sont plus actives au sein de leur communauté. Dans une communauté bédouine rurale, les femmes n’ont aucun rôle important à jouer. Imaginez donc ! Je peux aujourd’hui affirmer que je suis la toute première femme ingénieure en énergie solaire de Jordanie, un métier auquel même les hommes de ma communauté pourraient difficilement prétendre. En effet, même les hommes ne pourraient aspirer à suivre un tel enseignement.
Quelle est, selon vous, votre plus grande contribution à la société et à la communauté ?
Tout d’abord, j’ai contribué à l’installation de solutions d’éclairage à énergie solaire au sein de 80 foyers. J’ai désormais pour ambition d’ouvrir un centre de formation pour former d’autres femmes originaires d’autres villages et peut être même d’autres pays à utiliser la même technologie. D’autre part, je suis parvenue à briser le tabou social selon lequel les femmes doivent rester confiner à la maison. J’ai démontré à la communauté que les femmes peuvent sortir de chez elles pour suivre une formation et former à leur tour d’autres femmes afin qu’elles fabriquent et vendent leurs produits. Cette expérience m’a poussée à aller plus loin encore. J’ai donc décidé de me présenter aux élections municipales de mon village que j’ai remportées, devenant ainsi la première femme membre du conseil municipal de ma communauté.
Quel message souhaiteriez-vous adresser aux jeunes générations ? Quels enseignements doivent-elles tirer de votre expérience ?
Le message le plus important que je souhaiterais faire passer aux jeunes c’est que l’éducation occupe une place centrale. Il faut commencer par aller à l’école, puis, si vous poursuivez vos études, vous verrez que de belles opportunités s’ouvriront à vous. La persévérance est un maître mot. Si vous apprenez, si vous persévérez et que vous vous donnez les moyens de réussir, les portes s’ouvriront.
Quel message souhaiteriez-vous adresser aux autres femmes et filles qui peuvent être inspirées par votre parcours et vos accomplissements ?
D’avoir davantage confiance en leur potentiel, d’être sûres d’elles, d’avoir confiance en elles, d’être avides de connaissances. Ici, à l’école, lorsqu’une fille apprend à lire, on estime que c’est bon, que c’est suffisant et qu’elle peut désormais rentrer chez elle. Il est temps que cette pratique s’arrête. Nous devons aller de l’avant, ne jamais cesser d’apprendre et améliorer nos conditions de vie.