Lorsque l’équité sera un fait et non un désir
Par Michelle BacheletDate:

Cette année 2014 est une année très importante pour les progrès dans la construction d’un monde plus équitable entre hommes et femmes. Cette année nous commençons une campagne d’une année pour commémorer les 20 ans de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing, en 2015. Ce programme a fourni un cadre de référence qui a orienté les pays dans l’élaboration de politiques publiques visant à faire avancer la concrétisation de l’égalité des sexes, en mettant en évidence des progrès significatifs dans plusieurs domaines.
Les résultats ne sont toutefois pas entièrement satisfaisants. Il subsiste de nombreuses iniquités et inégalités que nous devons vaincre sur les plans politique, économique et sociale. De profondes inégalités continuent de se manifester au niveau de la participation des femmes dans les instances de prise de décisions.
Cela se reflète dans le fait que, en janvier 2014, seules neuf femmes occupaient le poste de chef de l’État et 15 femmes celui de chef du gouvernement. De même, 21,8 pour cent seulement des parlementaires nationaux sont des femmes, 38 États au niveau mondial comptant moins de 10 pour cent de femmes représentant les parlementaires. Ces inégalités sont plus fortes dans des régions comme le Moyen-Orient, l’Afrique du Nord et l’Asie.
Depuis janvier 2014, 17 pour cent seulement des ministres de gouvernements sont des femmes, la majorité d’entre elles étant cependant nommées à des portefeuilles liés à des secteurs sociaux comme l’éducation et la famille, ce qui montre que des schémas stéréotypés sont reproduits en ce qui concerne le rôle des femmes dans la société.
Étant donné que les femmes représentent 51 pour cent de la population mondiale, ces données révèlent une forte sous-représentation des femmes. Cet état de fait contribue à l’invisibilité des exigences et besoins légitimes que nous avons en ce qui concerne les questions de genre. Cette situation non seulement constitue un enjeu en termes de justice, mais représente aussi un important déficit au niveau de la qualité de nos démocraties.
Nous devons donc impérativement relever le défi de faire progresser la mise en place de mécanismes institutionnels permettant d’intégrer équitablement les hommes et les femmes aux instances de décision politique aux niveaux mondial, national et local. Nous pourrons ainsi construire des démocraties plus solides et des sociétés plus justes.
La sphère économique reste une autre dimension d’inégalités importantes. Les femmes continuent de rencontrer de grandes difficultés à s’insérer dans le monde du travail. Lorsque les femmes perçoivent des revenus, elles ont tendance, plus que les hommes, à investir dans leur famille et leur communauté, réduisant ainsi la faim, la pauvreté et la malnutrition et générant ainsi des externalités positives pour l’ensemble de la société. En prenant acte de cette situation, les pays doivent déployer davantage d’efforts en matière d’insertion des femmes dans le monde du travail. De plus, le travail rémunéré nous permet de nous développer en tant que personnes, de nous intégrer à l’espace public ; c’est donc un droit pour tous et toutes.
Cependant, l’insertion des femmes dans le monde du travail est nécessaire, mais insuffisante lorsque le marché du travail perpétue d’insupportables inégalités entre les sexes.
À cet égard, la participation des femmes au travail informel continue d’être plus élevée que celle des hommes – un travail informel associé à une plus grande précarisation en termes de stabilité de l’emploi et de sécurité sociale.
Partout dans le monde, les femmes gagnent en moyenne, à travail égal, entre 10 pour cent et 30 pour cent de moins que les hommes, ce qui reflète une appréciation injuste de la contribution des femmes à l’économie. Pour résoudre ce problème, nous avons besoin de politiques intersectorielles qui impliquent l’engagement de l’État, mais aussi celui de la société civile et du secteur privé.
D’autre part, des millions de femmes sont exposées au risque de contracter des infections sexuellement transmissibles et à une grossesse non désirée – et dangereuse – en raison d’un accès insuffisant aux services de santé sexuelle et reproductive et de l’absence de politiques de planification familiale adéquates.
Les violences exercées contre les femmes constituent sans doute le domaine où les inégalités sont le plus pénibles. Ces violences sont en général enracinées dans des schémas culturels qui les valident. Dans de nombreux pays, il n’existe pas de politiques publiques visant à modifier les comportements pour que les femmes et les hommes aient le droit de vivre sans violence, et faisant ainsi progresser l’élimination des violences de genre.
Les efforts déployés pour réduire la violence contre les femmes n’ont pas été suffisants. Cette problématique pose des défis à long terme, dans lesquels on doit associer une éducation qui encourage le respect des droits humains à des politiques et des cadres juridiques adéquats qui garantissent le droit des femmes à mener une vie sans violence. Des politiques publiques qui visent avec fermeté non seulement à prendre en charge et à sanctionner la violence contre les filles et les femmes, mais aussi à la prévenir fortement.
Presque 20 ans après la Déclaration et le Programme d’action de Beijing, nous devons reconnaître les progrès importants qui ont été rendus possibles grâce à l’engagement d’organismes internationaux, des États et de la société civile. Des défis nous attendent toutefois, car la construction d’un monde plus juste nécessite davantage d’égalité et d’équité entre hommes et femmes.
Ce n’est que lorsque cette équité sera un fait et non un désir que nous aurons pleinement accompli la mission de ce Programme d’action.
Pour plus d’informations sur les Femmes et la prise de décisions, consultez les articles figurant dans la section Gros Plan.