Parker Liautaud - Les préjugés de genre face au réchauffement planétaire

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Parker Liautaud est un explorateur polaire. Photo: Paddy Scott

@parkerliautaud est un explorateur polaire qui milite contre le changement climatique. Il a mené trois expéditions au pôle Nord et une au pôle Sud. En 2013, il a établi un nouveau record mondial de la traversée de la côte de l’Antarctique jusqu’au Pôle Sud en utilisant uniquement de l’énergie humaine. Il étudie la géologie et la géophysique à l’Université de Yale et est membre de l’Institut du climat et de l’énergie de Yale.

En septembre 1995, la Déclaration et le Programme d’action de Beijing a établi un cadre d’action en faveur de l’autonomisation des femmes et de l’élimination des obstacles à l’égalité des sexes, en mettant l’accent sur notre obligation à œuvrer pour un monde exempt de discrimination fondée sur le sexe. Au cours des 20 années qui ont suivi, dans un cadre apparemment différent, la question du changement climatique s’est répandue au-delà des laboratoires, des publications scientifiques et des organes législatifs du monde entier et est devenue un sujet profondément ancré dans le débat public.  

Dans certains pays, la question du changement climatique suscite de vives controverses ; dans d’autres, le plan d’action requis pour lutter contre le changement climatique n’a jamais été aussi clair. Dans tous les cas de figure, il est devenu évident au cours des dernières années que les populations ressentent de plus en plus les effets du changement climatique. Il est donc nécessaire d’atténuer ces risques nouveaux, auxquels les générations antérieures n’ont pas eu à faire face, et de s’adapter au changement climatique. Dans un monde de plus en plus vulnérable, les femmes sont souvent affectées de manière disproportionnée aux risques liés au changement climatique.  

Je ne suis en aucune façon un spécialiste des questions relatives à l’égalité des sexes, mais il est inutile d’aller bien loin pour démontrer que cette inégalité et le changement climatique sont étroitement liés. Le rapport le plus récent sur les impacts du réchauffement climatique du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), qui détaille les toutes dernières connaissances en matière d’adaptation, de vulnérabilité et de risques, souligne les différences entre les femmes et les hommes quant à leur vulnérabilité face aux risques liés au changement climatique.

Le rapport du GIEC explique que les effets du réchauffement climatique sont souvent ressentis plus sévèrement par les populations pauvres, qui sont exposées à des risques accrus en raison de la mauvaise qualité de leur logement, du manque d’accès aux services et d’infrastructures inappropriées. Les populations vivant dans la pauvreté sont également particulièrement touchées par les baisses de rendement des cultures agricoles et les hausses de prix des produits alimentaires, deux situations auxquelles elles sont confrontées simultanément en ce moment. Comme le stipule le Programme d’action, les femmes constituent la grande majorité des personnes vivant dans l’extrême pauvreté, dont le nombre est estimé à près de 1 milliard. Cette réalité conduit à des préjugés sexistes inhérents quant à la vulnérabilité au changement climatique. Mais, au-delà de cela, des inégalités profondément ancrées se perpétuent et accentuent la vulnérabilité des femmes, en particulier celle des femmes pauvres, par rapport à leurs homologues masculins.

Les événements climatiques extrêmes, comme la sécheresse, les inondations et les tempêtes font davantage de victimes parmi les femmes que parmi les hommes, et ce, partout dans le monde. Cela n’est pas le fait du hasard : les rôles traditionnels et désuets associés aux genres excluent souvent les femmes des processus décisionnels, les empêchant parfois d’adopter la meilleure approche en cas d’urgence. Le GIEC cite des études portant sur des femmes au Nicaragua à qui l’on demande de rester chez elles même en cas de situation dangereuse, les faisant ainsi encourir des risques, notamment en cas d’inondations.

Au lendemain d’événements climatiques extrêmes, les femmes sont davantage victimes de violences physiques, et notamment aux États-Unis et en Australie, deux des pays du monde les plus développés d’un point de vue économique.

En outre, le rapport montre la corrélation entre le manque de protection ou de soutien institutionnel et la vulnérabilité des femmes lorsqu’il s’agit de surmonter des événements climatiques extrêmes ou de s’adapter aux conditions changeantes sur le long terme, en particulier dans les cas où les femmes ont moins accès aux informations et aux ressources de la communauté. Ces ressources peuvent prendre la forme d’informations sur les comportements à adopter en cas d’événement climatique dangereux et extrême, d’un accompagnement aux méthodes d’adaptation aux conditions changeantes et même d’outils pédagogiques, éléments essentiels de l’autonomisation des femmes.

Les inégalités fondées sur le sexe perpétuent les vulnérabilités auxquelles font face les femmes dans un monde en mutation, et les cas précités n’en sont que quelques exemples. Lorsqu’on œuvre pour l’égalité entre les hommes et les femmes, les conséquences humaines du changement climatique font ressortir des problèmes qui démontrent l’importance même du Programme d’action. L’inégalité des sexes porte atteinte aux droits de l’homme, une considération étroitement liée à des éléments fondamentaux de notre société, tels que l’éducation et la santé.

Oui, les hommes sont également confrontés à des risques qui sont spécifiques à chaque région. Néanmoins, ces vulnérabilités ne sont pas causées par des inégalités sociétales profondes, comme c’est le cas pour les femmes. La plupart des risques liés au changement climatique et auxquels les femmes sont confrontées peuvent être réduits, en mettant en place des changements sociétaux déjà nécessaires d’un point de vue moral et vers lesquels tendent tous les efforts d’ONU Femmes.

Le réchauffement climatique et l’inégalité des sexes partagent une caractéristique commune. Ils sont tous deux répandus et engendrent des conséquences profondes sur les individus et les communautés. Les interactions entre les deux sont complexes, et il ne me serait pas possible de les aborder toutes dans un seul et même article, même si j’étais qualifié pour le faire. Cela reviendrait à banaliser un problème important.

D’un point de vue moral, l’égalité ne peut pas être un choix ou un luxe pour les sociétés les plus privilégiées. Ce doit être une priorité non négociable. Face à un changement climatique mondial sans précédent, nous nous efforçons de construire un monde résilient et cela ne sera possible que si nous œuvrons sans relâche en faveur de l’égalité à tous les niveaux de la société.

Pour plus d’informations sur les Femmes et l’environnement, consultez les articles figurant dans la section Gros Plan du nouveau site Internet de la campagne Beijing+20.