Pour les jeunes Nigérianes, l’éducation est la clé qui ouvre les portes du progrès
Par Nnenna AgbaDate:
Cet article d’opinion a été rédigé au nom de cinq sœurs nigérianes en quête d’éducation.

Élevée au Nigéria, Nnenna Agba est devenue populaire lorsqu’elle est apparue dans l’émission télévisée très regardée America’s Next Top Model. Grâce à des bourses académiques âprement décrochées, elle a obtenu une licence en chimie à l’Université A & M du Texas ; elle détient aussi une maîtrise en science de l’urbanisme. Nnenna paie les études de ses quatre sœurs au Nigéria et est l’ambassadrice du projet Kechie, une ONG qui offre des bourses d’études aux élèves nigérianes.
J’ai grandi au Nigéria, dans une culture où donner naissance à un garçon honore la mère et sa famille, et où le garçon occupe naturellement une position supérieure dans la société par rapport à la fille. À l’âge de 11 ans, j’ai accompagné ma mère se faire accoucher de sa cinquième fille, ma plus jeune sœur, et j’ai vu ma mère mourir sous les yeux d’un médecin incompétent.
Ma mère a succombé à l’étouffement de sa société : elle avait déjà quatre filles en bonne santé, mais avoir un garçon était une norme traditionnelle qu’elle était déterminée à respecter, même en mettant sa vie en jeu. En comprenant les facteurs sous-jacents qui l’ont exposée à ces difficultés, j’ai mieux perçu quelle était ma place dans la société nigériane, en tant que fille.
Quasi instantanément, l’importance de l’éducation a pris un nouveau sens dans ma vie et dans celle de mes quatre sœurs. Je me suis attelée à obtenir une licence en chimie et une maîtrise en science de l’urbanisme. Grâce à l’éducation que j’ai reçue, je suis en mesure de financer les études de mes jeunes sœurs au Nigéria, ce qui augmente nos chances de réussite bien au-delà des limites traditionnelles prescrites par notre société.
Pour des Nigérianes comme mes sœurs et moi, l’éducation est la clé qui nous ouvre des portes lorsque la possibilité de réussir au-delà des conventions coutumières se présente. L’éducation est un droit fondamental, et je crois fermement que nous devrions toutes et tous y avoir naturellement droit. C’est le seul moyen dont disposent les jeunes Nigérianes pour s’émanciper au-delà du système culturel et traditionnel stratifié qui continue de reléguer les femmes à un statut inférieur à celui de leurs homologues masculins sur les plans économique, politique et social. Les femmes qui ont pu échapper à ce joug le doivent essentiellement à leur autonomisation par le biais de l’éducation. En effet, une bonne éducation offre aux jeunes Nigérianes l’opportunité de devenir des membres considérés de la société. Pour cette raison cruciale, mon dévouement et ma motivation consistent à m’assurer que mes sœurs poursuivent leurs études.
Pour les filles du Nigéria et du monde, l’éducation peut favoriser l’indépendance économique, faciliter la participation politique et équiper les hommes et les femmes de la connaissance nécessaire pour leur permettre de s’opposer activement et efficacement aux normes tyranniques qui perpétuent diverses formes de violence à l’égard des femmes. Et pour trancher avec la culture de l’inégalité des genres, qui persiste au Nigéria, l’éducation sert de plateforme d’exposition à une alternative culturelle. Les Nigérianes doivent tirer parti de cette exposition, et la possibilité d’un tel développement représente une menace majeure pour des groupes extrémistes tels que Boko Haram.
Même si nos rêves et aspirations implorent un miracle sous forme de solutions immédiates, je sais que le changement ne s’opère pas d’un coup de baguette magique ni du jour au lendemain. Au contraire, il nécessite notre dévouement en temps et des efforts collectifs acharnés. Le décès de ma mère est la conséquence de normes sociales injustes, qui encouragent des inégalités pernicieuses entre les genres. Les coutumes d’une société sont forgées par ses générations passées. De la même manière, ses citoyens futurs peuvent redéfinir leur culture, en adoptant de nouvelles normes à travers l’éducation.
Je reste optimiste et je crois qu’il est possible de changer le monde, d’améliorer le statut des femmes à travers le monde, et tout particulièrement dans des pays comme le Nigéria. Je ne le dis pas par naïveté ou par ignorance des lacunes qui minent les nombreux efforts déployés pour apporter le changement. Mon optimisme émane d’un élan désespéré : une ferme conviction que le monde tout entier, avec ses leaders et ses citoyens, doit prendre conscience de l’urgente nécessité de mettre un terme à l’injustice à l’égard des femmes. De mon point de vue, nécessité et possibilité sont désormais synonymes, car en côtoyant les conséquences de l’inégalité des genres, l’impératif de changement ne nous apparaît que plus évident.
Et tandis que mon cœur souffre du chagrin exprimé par l’appel au secours « Ramenez-nous nos filles », ma pensée nourrit l’espoir renouvelé que le Nigéria n’ignorera plus l’agonie des femmes et des filles. Malheureusement, la douleur est parfois indispensable pour canaliser la passion d’une nation dans son ardente réclamation de changement et ses demandes d’action de la part de son gouvernement. Boko Haram est certes perçu comme un opposant au progrès, mais le plus grand obstacle réside dans une réticence plus générale à prendre des mesures protectrices en faveur des filles du Nigéria, qui veulent simplement recevoir une éducation.
Tout comme mes sœurs et moi-même, les Nigérianes souhaitent et méritent que nos aspirations à devenir des membres considérés de la société se réalisent. L’éducation est notre recours pour concrétiser ce rêve.