En route vers des élections libres et équitables
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Christiana Thorpe est la première femme à occuper les fonctions de commissaire-en-chef de la commission électorale de la Sierra Leone. Elle préside la Commission électorale nationale (CEN), l’organisme chargé de préparer et de mener à bien toutes les élections publiques. Ancienne religieuse, enseignante, directrice d’école et professeure, elle accorde la plus grande importance à l’éducation et à la liberté. Ministre de l’Éducation à une époque où aucune autre femme ne siégeait au conseil des ministres, elle a lancé, pendant qu’elle détenait ce portefeuille, une organisation visant à promouvoir les droits de la femme dans les domaines de l’éducation et du travail. Fière de ses accomplissements, elle est devenue, grâce à sa ténacité, une source d’inspiration auprès des femmes et des hommes.
Son nom revient souvent dans les annales de la Sierra Leone : à l’issue du conflit qui pendant onze ans a déchiré son pays bien-aimé, elle a été l’unique femme du gouvernement, en capacité de ministre de l’Éducation. Ayant aujourd’hui atteint la soixantaine, Christiana Thorpe est connue pour être le leader qui a restructuré le système électoral entier de la Sierra Leone pendant ses près de dix ans au poste de commissaire-en-chef de la commission électorale.
Elle a passé une bonne partie de son enfance à jouer à l’enseignante avec les enfants de son voisinage, tout en assimilant les profondes leçons religieuses qu’elle recevait de sa grand-mère. Devenue adolescente, elle a décidé de rejoindre un couvent en Irlande, un pays où à son sens le soleil présente un aspect et procure un sentiment tout autre que celui qui brille dans sa ville natale. Ayant obtenu un diplôme universitaire en Irlande, suivi d’une maîtrise et d’un doctorat aux Antilles britanniques, elle a décidé de retourner en Sierra Leone. Reconnaissante pour l’expérience acquise au cours de ses années passées à l’étranger, elle était prête à s’adonner à la tâche de faire de l’éducation une grande voie accueillante menant à davantage de liberté pour les femmes.
Soucieuse avant tout d’aider des filles à terminer l’école secondaire, Christiana Thorpe s’est alors lancée dans l’enseignement. Confrontée à des situations où les élèves lui parlaient des fortes pressions qui les poussaient à abandonner l’école afin de participer aux tâches domestiques, elle est devenue la directrice de l’établissement afin de trouver des moyens innovants pour garder les filles à l’école afin qu’elles achèvent leur scolarité.
Animée du désir passionné d’opérer des changements, Christiana Thorpe a ouvert de nouvelles possibilités d’apprentissage à des femmes et des filles en devenant présidente fondatrice du Forum des éducatrices africaines (FEA), au sein du chapitre de Sierra Leone lancé en 1995. La FEA s’est illustrée au plus fort du conflit à travers sa capacité à atteindre des femmes et des filles marginalisées et déplacées, ainsi que des victimes de violences sexuelles. Le Forum a fini par les aider à se réinsérer dans la société de la Guinée, où elles se sont rendues en exil, en leur apportant une éducation à la fois formelle et informelle, ainsi qu’en conduisant plusieurs de ses élèves à ambitionner de suivre son exemple.
Faisant preuve d’une énergie inépuisable, elle est devenue également ministre de l’Éducation en 1993, et a introduit pendant son mandat de nouvelles modalités éducatives visant à aider des jeunes réagissant mal aux méthodes de l’enseignement formel.
Le conflit à peine terminé, elle est devenue commissaire-en-chef de la commission électorale neuf mois après la démission du titulaire précédent, alors que les quatre commissaires masculins briguent la même position. S’étant rendus compte qu’une femme avait été nommée commissaire-en-chef, ceux-ci se sont élevés contre cette « intruse » (le mot qu’elle utilise à son propre égard).
« Un monde nouveau s’était ouvert et j’en avais brisé le dôme de verre », raconte-t-elle en évoquant sa nomination et son expérience à la tête de la commission électorale. « On ne peut collaborer avec les hommes en faisant jouer les émotions, mais avec de l’intelligence, de l’intégrité et beaucoup de travail, on peut devenir leur égal et les dépasser n’importe quand », déclare-t-elle.
Bon nombre de personnes considèrent qu’elle a réinventé cette institution pour en faire le symbole d’élections libres et équitables, car c’est elle qui a introduit le système biométrique d’enregistrement électoral. Ce système de haute technologie prévient la duplication des enregistrements et assure l’exactitude de ces derniers. Il a facilité le processus électoral de 2007, une année particulièrement dangereuse et tumultueuse de l’histoire électorale du pays.
« J’étais décidée à introduire un peu de bon sens dans le processus électoral en mettant fin à l’impunité répandue du bourrage des urnes ».
En repensant à sa longue et brillante carrière, elle songe aujourd’hui à sa prochaine aventure, la nouvelle organisation « Reach in for the Stars » (Visez les étoiles) qu’elle a fondée récemment. « Je me réjouis de consacrer de nouveau ma vie aux sous-privilégiés et aux mécontents au sein de notre société. Cette nouvelle organisation a pour vocation de soutenir des femmes et des filles poursuivant des études universitaires, et d’offrir des bourses d’études devant aider des femmes et des filles à surmonter les actes de harcèlement dont elles sont si souvent victimes, afin qu’elles puissent devenir confiantes en elles-mêmes et ne pas renoncer à leur combat pour être reconnues productrices au même titre que leurs collègues masculins ».
« Il est permis d’avoir de l’espoir pour les femmes en Sierra Leone. Le temps est venu de défendre notre dignité de femmes et d’assumer des responsabilités de leadership pour le bien de notre pays, quel que soit le domaine particulier où nous évoluons ».